Lors de notre passage au festival Animasia à Bordeaux début octobre, nous avons eu l’occasion de participer à une conférence du Youtubeur @hinfiney sur les mythologies dans les anime, qui a accepté de répondre à quelques-unes de nos question. En avant l’entrevue !
Bonjour Timothée / @hinfiney. Peux-tu nous dire quel est ton parcours, ce qui t’a amené à devenir Youtubeur spécialisé dans les mythologies ?
J’ai commencé à faire des vidéos en 2018. C’était pendant un voyage en Inde : on m’avait offert une GoPro pour mon anniversaire et j’ai réalisé des vlogs de mes voyages. Je suis resté un an en Inde et je filmais absolument tout. Je suis revenu en France et j’ai testé quelques concepts. J’ai cherché la bonne formule pendant plusieurs mois. J’ai fait un peu tout ce que les Youtubeurs ont sûrement essayé à leur début, des vidéos-concept, etc. Ça n’a pas vraiment marché. Après deux ans passés sur YouTube (j’avais alors 400-500 abonnés), je me suis demandé : « d’un côté, qu’est-ce que tu aimes beaucoup, et qui, de l’autre, n’est pas abordé avec un ton fun, rigolo et décontracté sur les réseaux, et que tu aimerais faire ? » La mythologie s’est très vite imposée comme un choix assez évident, puisque c’est un vaste sujet qui me passionne depuis longtemps et qui est toujours abordé de manière très sérieuse sur les réseaux. J’ai donc décidé de la traiter de manière beaucoup plus fun. J’ai commencé par une sorte de crash test, avec le premier épisode d’une série appelée les FASTMYTHOS aujourd’hui, où le montage est assez effréné. Le sujet de la vidéo YouTube est un dieu, une déesse ou une créature. Le premier épisode parlait d’Aphrodite, le son était absolument ignoble, mais il a très vite eu de nombreuses vues. J’étais vraiment fier du résultat, et ça a très bien marché. J’ai fait d’autres épisodes pendant un an à peu près. J’ai parlé d’Anubis, Osiris et Hadès par exemple, pour arriver finalement au Roi Arthur quelques mois plus tard. Entre temps, j’avais commencé à poster des extraits de mes vidéos sur TikTok. Ce sont des extraits pas très propres : les vidéos ont un fond noir en haut et en bas et sont en plusieurs parties. Mais grâce à cela, mon compte a quand même atteint les 12 000 abonnés.

Petit retour en arrière : au moment où j’ai lancé l’épisode sur le roi Arthur, j’ai été approché par le créateur d’un jeu de tarot : Tarot des Arcanes et qui est membre de l’association Autant Tenter. Il me dit alors : « on a vu tes vidéos sur les réseaux sociaux, et on a vraiment beaucoup aimé. On aimerait beaucoup tenter un placement produit sur ta chaîne ». J’avais alors 2000 ou 3000 abonnés sur YouTube, assez peu en somme sur cette plateforme. Après négociation, j’ai fini par créer pour eux 5 vidéos au format court, format vertical pour TikTok et pour Instagram, dans lesquelles je mets en avant le Tarot des Arcanes en parlant d’un dieu en à peu près une minute. Et c’est comme ça qu’a commencé l’aventure. Les vidéos ont généré 60 000-80 000 vues. Pour moi, c’était énorme à l’époque. Et ça a très vite plu. Assez logiquement, je me suis donc tourné vers des formats plus courts, contrairement aux FastMythos qui prenaient au moins un mois à produire, demandant beaucoup de travail. On est alors passé à 50 000 abonnés TikTok, puis 100 000 et 200 000. J’ai alors ouvert une seconde chaîne YouTube, où j’ai réuploadé toutes mes premières vidéos et je suis reparti de zéro. Puis j’ai commencé à poster au format short toutes les vidéos que j’avais déjà postées sur TikTok et Instagram. Un travail assez important, pour finalement arriver au stade où j’en suis aujourd’hui, avec un peu plus de 250 000 abonnés sur TikTok, 23 000 sur Instagram et 100 000 sur YouTube. Je me suis également lancé sur Twitch récemment, où j’anime des jeux liés un petit peu à l’histoire, à la mythologie. On a aussi lancé une nouvelle émission avec Galethorne, qui est un Youtubeur et un créateur de contenu autour de l’Histoire, que j’ai rencontré il y a un mois. On a créé ensemble L’Auberge, un live sur ma chaîne YouTube et son compte Twitch, une fois par mois. On invite dès lors un créateur de contenu lié à l’histoire, à la mythologie, et on parle de plein de sujets différents. Le premier épisode a été diffusé le 5 octobre 2023 avec Alexis Da Costa, qui parle de dinosaures, de paléontologie et d’esprit critique. On a débattu pendant deux heures et demie, sans s’arrêter. Plus d’un centaines de viewers se sont relayés sur mon live, à peu près autant sur celui de Galethorne. C’était vraiment un super moment !

Lors de ta conférence sur les mythologies, il a été souligné que les mythes ont effectivement plusieurs interprétations : est-ce que toi, dans tes recherches, tu vas mémoriser et parler de la plus commune ou tu vas explorer toutes les pistes et essayer de savoir vraiment un peu de chaque version ?
C’est la première option que je choisis, car elle est la plus attractive et la plus intéressante, car c’est plus simple à raconter, et que le storytelling est très important sur les réseaux. Si tu commences à évoquer 18 versions de la même histoire, tu perds forcément les gens… Et surtout, je suis très limité par le temps. Aujourd’hui, je fais du contenu très rapide. C’est-à-dire que pour YouTube, l’histoire doit se résumer en moins d’une minute. Pour TikTok, ça doit se résumer en 1 minute 32 minutes. C’est compliqué de faire ça et de donner plusieurs versions d’un mythe. Donc, en général, je choisis une version qui m’intéresse le plus, mais je ne me ferme pas la porte à refaire une vidéo sur la divinité.
Quelles sont les mythologies que tu maîtrises le plus, dans lesquelles tu es le plus à l’aise ? Les mythologies grecque, nordique, asiatique ?
Dans la mythologie grecque, il y a toujours des éléments que je continue d’apprendre. C’est un apprentissage perpétuel. Nordique, j’adore. Egyptienne, j’aime beaucoup également. Et je suis un grand fan de la mythologie hindoue et de l’hindouisme, suite à l’année que j’ai passée en Inde : je trouve ça absolument magique. Il y a un mysticisme derrière. J’aime beaucoup aussi la mythologie japonaise et chinoise. J’apprends encore à les connaître. À chaque fois que je fais une vidéo sur les yôkai, bizarrement, ça explose à chaque fois. Et je vois vraiment que les gens sont vraiment investis dans ces deux mythologies-là. La mythologie coréenne aussi, un petit peu.

Et la mythologie avec laquelle tu es le moins à l’aise ?
Celle où on a un peu moins de sources : j’ai un peu plus de mal, parce que forcément, c’est beaucoup plus compliqué de trouver les informations. Par exemple, les mythologies celte, mésopotamienne ou sumérienne, il y a beaucoup de versions différentes. Quant aux mythologies amérindiennes, mayas, aztèques, incas, il y a très peu de sources.
Quelles mythologies trouves-tu un peu sous-cotées selon toi ?
La mythologie celte, parce qu’elle nous entoure, et pourtant elle a été un peu perdue. On a par exemple le dieu Lug, dont on a parlé pendant la conférence, qui a littéralement donné son nom à la ville de Lyon : Lugdunum. La mythologie sumérienne aussi comporte des dieux vraiment sympas, comme une déesse de la bière, Ninkasi, qui est d’ailleurs la marque d’une déesse de la bière, encore une fois à Lyon !
La présence des mythologies dans la pop culture occidentale : il y a en trop ou pas assez selon toi ?
Il n’y en a jamais assez ! Mais l’important, pour moi, ce n’est pas qu’il y en ait trop ou pas assez. C’est très bien qu’on se raccroche à la mythologie. Pour moi, il doit être possible et autorisé d’adapter la mythologie, mais c’est important de toujours garder en tête la base du mythe et la version originale. Et c’est ce que j’ai essayé de faire ce week-end. Quand on voit par exemple que des adolescentes ou des jeunes qui sont persuadés que Perséphone était folle amoureuse d’Hadès, et que ça a été une idylle entre les deux, c’est un peu plus compliqué que ça… Il y a eu un enlèvement, mais on ne sait pas exactement si c’est un enlèvement vraiment forcé, ou si ça faisait partie de la traduction grecque, spartiate, etc. Est-ce qu’elle était folle amoureuse de lui, ou est-ce qu’elle était vraiment contrainte, puisqu’elle était obligée de rester aux Enfers ? Pour moi, c’est toujours important de garder en tête le mythe d’origine, mais de ne pas forcément le juger avec nos standards d’aujourd’hui.
Quelles sont les ressources que tu consultes ou les personnes-ressources que tu sollicites ?
Je recherche beaucoup sur Internet : il y a énormément de papiers, de conférences qui ont été faites et de ressources diverses. L’important est de toujours croiser les sources, de compiler au moins 4-5 ressources sur Internet avant de me faire son propre avis.
Mon grand-père aussi m’a offert une dizaine de livres sur la mythologie grecque avec des informations extrêmement pointues et incroyables. Donc merci encore à mon grand-père ! Je les utilise vraiment à chaque fois que je fais une vidéo là-dessus : il m’a été très utile pour les conférences que j’ai faites d’ailleurs. J’ai également différentes BD de Luc Ferry aussi, qui sont absolument géniales. Je rêve d’ailleurs de rencontrer cet auteur.
Après, concernant mes inspirations, parce que c’est un montage très rapide et très travaillé que je fais, je m’inspire du style de montage de Need Backup !, et aujourd’hui, je regarde ce que fait Savun, un Youtubeur spécialisé dans le jeu vidéo, avec un style que j’adore dans ses références.
Évidemment, j’essaie de prendre dans mes références à moi aussi. Et je vais piocher parfois dans les tournures de phrases de Durandal, un Youtubeur spécialisé dans la critique cinéma.

Pour tout ce qui est références manga, anime, pour la conférence, tu t’es préparé comment ?
Je me suis préparé toute la nuit [rires]. En fait, comme je l’ai dit au début de la conférence, je l’ai pris dans le sens inverse. Je n’ai pas regardé un anime pour compiler toutes les références qu’il y a à la mythologie : ça m’aurait pris des mois et des mois. J’ai fait l’inverse : j’ai pris la mythologie, et me suis demandé « comment on pouvait la relier à l’anime ? ». Et c’est comme ça que j’ai réussi à trouver le fil rouge des trois types de références à la mythologie dans les anime.

Enfin, des projets à venir ?
J’adorerais créer d’un côté une BD mature et sombre, et de l’autre une BD beaucoup moins sérieuse, plus humoristique et accessible. J’aimerais beaucoup faire une BD comme Léonard, une bande dessinée où Léonard de Vinci est parodié, toujours accompagné de son assistant Basil. Dernièrement, j’ai été très inspiré par une bande dessinée récemment parue, Pendragon, sur le roi Arthur, qui reprend toute l’histoire du roi Arthur avec beaucoup de fidélité. Et j’aime beaucoup la façon dont ils l’ont fait.

Note : Pour ceux qui n’ont pas pu assister à la conférence sur SNK et la mythologie nordique, @hinfiney vas refaire cette conférence en live sur YouTube. Retrouvez également sa vidéo sur One Piece ICI ou encore sa vidéo sur les 47 ronins ICI.