Quand la résilience devient un art.
En Occident, comment fait-on lorsqu’une tasse est cassée, un bol fêlé, un vase fissuré, une assiette ébréchée ? On se sert généralement d’une colle adaptée au matériau qui les compose, comme la porcelaine ou la céramique. Un procédé fastidieux et souvent peu efficace, surtout si les objets sont destinés à contenir un liquide chaud. Mais surtout ce type de restauration appelée « illusionniste » (car on ne doit plus voir les cassures) est toxique et non propre à l’usage alimentaire.
Au Japon, la restauration d’un objet sert à la fois à lui donner une seconde vie, mais aussi à décorer une cuisine ou un salon. Ceci grâce à une technique faisant appel à une laque saupoudrée de poudre d’or. Cette méthode est appelée kintsugi ou kintsukuroi, la première désignant la jointure, la seconde le raccommodage. Elle est si prisée que certains collectionneurs n’hésitent pas à casser volontairement des poteries pour les transformer en œuvres d’art… Cette technique date de la fin de la période Muromachi (1336-1573). Le kintsugi comporte de nombreuses étapes et peut s’étaler de plusieurs semaines à un an. C’est que le geste demande précision, méticulosité et patience afin de parvenir à un résultat esthétique.
Aussi étrange que cela puisse paraître l’objectif n’est pas de dissimuler les brisures, mais au contraire de les mettre en avant. N’oublions pas non plus qu’il s’agit bien là d’une démarche philosophique tenant compte du passé de l’objet et des accidents qu’il a subis. Faute d’or, les réparateurs se servent de l’argent : on parle alors de gintsugi ou parfois d’urushi tsugi lorsque la laque est appliquée sans additif métallique.
L’art du kintsugi relève également d’un concept dérivé de pratiques bouddhistes zen et du taoïsme, nous invitant par là même à reconnaître la beauté qui réside dans les choses imparfaites et atypiques, la nature simple et éphémère de la vie. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si nos amis nippons s’intéressent tant aux tasses et aux bols, la cérémonie du thé, mais aussi la consommation de riz expliquant en partie l’engouement pour cet artisanat ancestral. Pour mener à bien ces restaurations, on utilise une pâte faite de laque et de farine qui est appliquée sur les morceaux cassés, on laisse sécher quelques semaines. On repolit ensuite la pièce, on applique à nouveau de la laque et, enfin, on saupoudre avec de l’or ou de l’argent.
Par Eric Janvier
À découvrir : Myriam Greff
L’artiste dont vous pouvez découvrir les œuvres dans cet article propose sur son site une formation complète en vidéo pour pratiquer le kintsugi. La formation est composée de vidéos pré-enregistrées et payantes. Vous pourrez y apprendre à réaliser votre premier kintsugi dans les règles de l’art, mais également à préparer la laque colorée ou encore la poudre d’or. La formation est composée de 9 vidéos.
https://www.etsy.com/fr/people/ys06
Cet article est extrait de hors série décoration japonaise, disponible en ici.