Japan Magazine a pu s’entretenir avec Sébastien Quéquet, le commissaire de la nouvelle exposition « Le Japon en couleurs : Photographies du XIXème siècle » !
Depuis le 8 novembre et jusqu’au 31 décembre, le musée des Arts décoratifs, situé en plein cœur de Paris, accueille au sein de sa bibliothèque une présentation de 35 photographies inédites inspirées du Japon. Elles appartiennent à la vogue des « Yokohama Sashin », produites à l’aube de l’ère Meiji (1868-1912) jusqu’au tournant du XXème siècle.
La traduction de « shashin », « production du réel », peut porter à confusion. Les images sont pour la plupart du temps théâtralisées, avec un décor et des acteurs.
À l’occasion de l’inauguration de cette exposition, Japan Magazine a échangé avec le commissaire de l’exposition Sébastien Quéquet, également en charge des collections photographiques au musée des Arts Décoratifs.
Comment ce projet d’exposition a-t-il vu le jour ?
Sébastien Quéquet : L’idée est venue entre 2020 et 2021. Nous avons eu l’envie de faire un projet éditorial autour de ces 35 photographies avec un réel projet de fond. Elles n’ont jamais été montrées au grand public auparavant !
Le parcours de ces photographies a connu divers péripéties … Pourriez-vous nous en dire plus ?
Sébastien Quéquet : D’une part, il y a les photographies qui ont pu être achetées par des voyageurs. Je pense aux photos montées en planche, comme le portofolio du l’autrichien Raimund von Stillfried (1839-1911) intitulé « Views and Costumes of China and Japan. »
Ce projet photographique a ainsi été récupéré par un collectionneur et voyageur fortuné du nom d’Hugues Krafft (1853-1935), présent au Japon de 1882 à 1883. Il a ramené ces photos pour les présenter en Occident dans un premier temps, avant de les offrir au musée des Arts décoratifs en 1914.
Plus généralement, comment ces photographies ont participé à l’essor du japonisme ?
Sébastien Quéquet : Au même titre que les estampes, elles diffusent un Japon très stéréotypé, entre clichés et exotisme. Elles représentent une image idéalisée par les Occidentaux d’un pays qui s’ouvre au monde grâce aux réformes de l’ère Meiji.
Il s’agit d’un Japon séduisant, mais parfois controversé qui est représenté dans cette exposition. Les européens aime ce Japon, mais nous parlons d’un certain Japon qui est véhiculé dans ces images ! À ce double titre là, on peut dire qu’elles participent à ce grand mouvement d’engouement des artistes qu’est le japonisme.
En quoi les « shashin » sont davantages des stéréotypes que des fragments de la réalité ?
Sébastien Quéquet : Les images sont souvent composées en atelier. Elles peuvent par exemple représenter des samouraïs, alors que ces derniers ne pouvaient plus se balader dans la rue où dans les espaces publics lors de l’ère Meiji.
Plusieurs scènes sont également recomposées, d’autres évoquent le suicide avec le sang peint en couleur sur la photo. Ces photographies sont une forme de théâtre très éloignée de la réalité. Néanmoins, vous pouvez retrouver au sein de l’exposition des photographies mettant en scène des monuments, des vues d’usines ou des voies de chemins de fer.
Des photos du Japon réel et contemporain font partie de « Le Japon en couleurs, Photographies du XIXème siècle » mais ce n’était pas celles qui étaient les plus demandées !
Pourquoi avoir choisi la bibliothèque du Musée des arts décoratifs pour accueillir cette exposition ?
Sébastien Quéquet : Comme il s’agit d’une exposition photo, nous avions besoin d’un endroit avec plus de vitrines que d’espaces muraux. Et je trouvais que le lieu de la bibliothèque était l’endroit idéal pour créer un lien de filiation avec l’histoire. En effet, ces photos ont d’abord été données à la bibliothèque du Musée des Arts décoratifs pour que des lecteurs ou des travailleurs puissent les consulter. Chose importante à savoir, la bibliothèque a vu le jour en même temps que le musée, en 1864 ! Le projet était aussi d’accueillir des décorateurs, artisans ou des peintres pour les inviter à chercher leurs modèles au sein des images que l’on collectionnait.
Présenter cette exposition au sein de la bibliothèque du musée s’avère être un beau clin d’œil avec son histoire !
Pour découvrir de vos propres yeux comment le Japon voulait se donner à voir à l’Occident, mais aussi comment il se transforme, rendez-vous au musée des Arts Décoratifs
Propos recueillis par Arnaud Dal-Mas
Crédits photos : Musée des Arts décoratifs
Informations pratiques :
Du 8 novembre 2023 au 31 décembre 2023
Musée des Arts Décoratifs
107 rue de Rivoli, 75001 Paris
Prix : 10€ à 14€, gratuit pour les moins de 26 ans
https://madparis.fr/Japonencouleurs