Avec plus de 103 tomes au Japon et 102 traduits en France, Détective Conan est une institution dans le paysage des manga. Avec 26 films au compteur, la saga continue de séduire toutes les générations. Et c’est d’ailleurs pour parler du dernier film d’animation de cette série que nous réalisons cette chronique.
Sortie au Japon le 14 avril 2023, Détective Conan – Le sous-marin noir est visionnable dans les cinémas de l’Hexagone depuis le 2 août dernier. Laissons désormais une fan nous raconter le film…
Avis de Charlotte Lenglet, fan de la franchise :
À la fin du dernier millénaire, alors que je venais d’entrer au lycée, j’ai découvert un manga qui allait changer ma vie… ou pas. Du moins, la révolutionnerait il, puisque près d’un quart de siècle plus tard, la série phénomène est toujours en cours et chaque année apporte son long-métrage d’animation dédié. J’ai nommé : Détective Conan.
Et, c’est en 2021, avec la sortie en salles françaises du 24e film (Détective Conan : The Scarlet Bullet), que j’ai complètement replongé dans la série (depuis quelques années, le rythme de parution du manga en France suit celui du Japon).
Depuis, j’ai eu l’opportunité de visionner les 26 films (dont certains à plusieurs reprises) et le dernier – Détective Conan : Le sous-marin noir – est sans doute le plus ambitieux. Rien d’étonnant à cela puisque chaque nouvel opus se fait un devoir d’augmenter, crescendo, les enjeux par rapport au précédent.
Et, si au premier visionnage du dernier, j’en suis ressortie frissonnante d’avoir tant vibrée, immergée dans le film et son ambiance des plus angoissantes, je dois avouer qu’il est, finalement, loin d’être à la hauteur du précédent (Détective Conan : La fiancée de Shibuya). L’art est difficile, mais les pièges scénaristiques qui n’ont pas été évités m’ont laissé un léger sentiment de déception.
Le film est fait de façon à ce qu’un spectateur qui découvre la série puisse regarder et tenter de résoudre l’enquête tout en s’inquiétant de savoir si Haibara sera sauvée avant que l’unique secret qui assure sa survie ne soit éventé.
Et c’est là que, pour un fan de la première heure, on se retrouve noyé sous des dialogues qui n’ont aucun sens quand on sait que les informations, données par un personnages à un autre, sont le résultat d’une action qu’il ont menée ensemble…
Ce genre de détail ne sera, bien sûr, perçu que par le spectateur-fan, mais aura son utilité pour le non-initié. Hélas, le scénario oscille constamment entre les informations plus ou moins utiles à la compréhension de l’histoire pour ce pote que vous avez traîné de force avec vous (à moins que ce ne soit vous, le pote en question) et les easter eggs et autres subtilités que seuls les fans »à jour » dans la série pourront appréhender.
L’on y retrouve avec joie toute la panoplie de gadgets inventés par le génial Professeur Agasa et utilisés par Conan film après film : les bretelles extensibles, la ceinture gonfle-ballon-feu-d’artifice, le badge talkie-walkie, les lunettes-radar, le micro détachable caché dans la branche de lunettes, sans même parler des incontournables chaussures hyper-fortifiantes, montre à projectile hypodermique et nœud-papillon changeur de voix (un véritable arsenal à faire pâlir James Bond et l’inspecteur Gadget de jalousie). Certains apparaissent presque uniquement dans les films à l’instar du skateboard qui a évolué en fonction des terrains pratiqués par Conan au fil des films et des mauvais traitements qu’il lui aura fait subir… Ce qui explique la robustesse de la planche quand il s’agit de dévaler une falaise pour – littéralement – surfer sur l’eau sur quelques mètres !
Mon avis est plutôt mitigé sur ce film et l’ironie de la situation est loin de m’échapper. En effet, lorsque je m’y suis plongée en me mettant dans la peau de quelqu’un qui n’est pas familier avec l’univers de Détective Conan, je me suis surprise à trouver le film plutôt bon et bien rythmé. A contrario, quand je l’ai visionné en tant que fan de longue date, j’ai été quelque peu agacée par le fait que le scénario peinait à choisir le public auquel il souhaitait s’adresser…
Les passages »explicatifs » qui alourdissent certaines scènes sont, hélas, un passage obligé pour la bonne compréhension du spectateur qui découvre cet univers. Malgré leur manque de subtilité, ils servent à placer les enjeux et leurs échos résonnent au moment de la résolution de ces derniers.
Mention spéciale pour Vodka : s’il se tapait la tête contre une cruche et que ça sonnait creux, personne ne serait surpris de découvrir que la cruche n’était pas vide…
Vodka est l’archétype de »l’acolyte du vilain » du type »gorille » sans cervelle. A la différence près que ce gorille-là est un peu trop bavard. Il n’a d’utilité qu’en tant qu’outil scénaristique, distillant des informations au personnage principal ou au lecteur/spectateur (à tel point que le jour où Gin se rendra compte que son sous-fifre joue contre son camp malgré lui, il regrettera de ne pas l’avoir envoyé ad patres dès le début de la série)…
Quant aux personnes avec lesquelles j’ai pu discuter un peu à la sortie du film, j’ai eu toutes sortes de réactions : des fans extatiques et néophytes emballés aux spectateurs »vaguement initiés mais pas à jours » qui se sont carrément endormis dans leur siège (comme je le dis toujours : »ça fait cher la sieste »)… L’éventail de personnages a tendance à perdre ceux qui ne rentrent pas assez rapidement dans l’histoire. Certains disent qu’il y en a trop, mais compte tenu du nombre de personnages récurrents qu’on croise dans la série, la trentaine (dont 10 dont on n’entendra plus jamais parler) mise en avant dans ce 26e film n’en est finalement qu’un échantillon.
J’aurais encore tant à en dire (sur la musique, le doublage français, certains bruitages qui, malgré un véritable effort, donnent, lors d’un ou deux passages, l’illusion que Conan et Haibara tentent de respirer sous l’eau sans dispositif… ou encore (en VO) le fait que 3 membres américains du F.B.I. parlent en japonais avec un personnage de nationalité allemande sur le territoire allemand alors qu’en intro, un personnage japonais parle en allemand à une allemande en Allemagne (ce qui a un peu plus de sens – à noter que ce passage n’est même pas sous-titré pour la VF !), comme s’ils avaient »oublié » que nos amis du F.B.I auraient dû spontanément parler en anglais en Europe – et, d’ailleurs, l’agent allemand d’Interpol qui leur répond tout naturellement en japonais, on tient un truc (le japonais est-il le nouvel esperanto ?) (à noter que les 24e et 25e film faisaient au moins l’effort d’être cohérent sur ce point)) … tant l’ensemble était perfectible, mais j’ai aimé Détective Conan (pour ses qualités autant que pour ses défauts) depuis la fin du siècle dernier et j’aimerai cette série pour tout ce qui fait d’elle ce qu’elle est : des personnages attachants, une sous-intrigue haletante, le renouvellement perpétuel des enquêtes, même lorsqu’elles semblent classiques au premier abord, les relations entre les différents personnages qui ont été travaillées sur la durée sans que les fans/lecteurs ne s’aperçoivent des liens que l’auteur a tissés pendant des années jusqu’au moment voulu… tout ce à quoi il est pratiquement impossible de faire honneur dans un format d’1h50 au regard des près de 30 années d’existence du manga (le premier tome est paru au Japon en janvier 1994).
Si tous les films ne souffrent pas autant de ces écueils, tous ont une chose en commun : ils mettent un point d’honneur à ne surtout pas bousculer l’œuvre dont ils s’inspirent, faisant revenir l’intrigue principale au statut quo. C’est un prérequis, une condition sine qua non, et regarder un long-métrage de Détective Conan, c’est imaginer un monde parallèle dans lequel le Sherlock Holmes des temps modernes se glisse dans la peau d’un 007 ; un épisode à la fin duquel on découvre que tout ceci n’était qu’un rêve (ou un terrible cauchemar)… Et on en ressort en se demandant si tout cela en valait vraiment la peine… (avis de fan : oui ! Et on en redemande !).
Merci à Charlotte pour ce compte rendu des plus enthousiastes !